Interview de T.Jon Mayer, responsable du design extérieur chez Volvo Cars

Du jour où il a compris que tous les objets de notre quotidien sortaient de l’imagination de personnes bien réelles, la passion inébranlable de T. Jon Mayer pour le design était née. Des décennies plus tard, beaucoup de choses ont changé pour lui : il a grandi et a quitté la côte est des États-Unis pour devenir l’une de ces personnes qui le fascinaient tant à l’époque.

C’est aujourd’hui notre responsable du design extérieur. Avec notre nouveau Volvo EX90 tout électrique, T. Jon et son équipe ont réinventé la philosophie du design pour notre entreprise et nos futurs produits.

Dans cette interview, T. Jon nous parle des éléments du nouveau Volvo EX90 qu’il préfère. Il nous dévoile tout : des voitures volantes des films des années 1980 qui nous ont fascinés et qui le font encore rêver à la ressemblance entre une Volvo et le peuple scandinave, une apparente froideur à l’extérieur masquant une lueur chaleureuse et scintillante à l’intérieur.

Bonjour T. Jon, quand avez-vous rejoint l’aventure Volvo Cars et comment cela s’est-il passé ?

C’était en 2010, je travaillais chez Ford qui détenait alors Volvo Cars. Au bout de cinq ans et demi chez Ford, j’ai mentionné à un collègue de Volvo que j’étais à la recherche de nouveaux défis et il m’a suggéré de venir en Suède. Au printemps 2011, ma femme et moi avons donc fait le voyage et sommes complètement tombés sous le charme de Göteborg. L’affaire était faite, j’ai intégré Volvo Cars en tant que designer d’extérieur senior.

À cette époque, la position de Volvo en matière de design n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. L’attrait d’intégrer cette équipe reposait donc en partie sur cette envie de contribuer à la transformation de l’entreprise. Notre marque est devenue plus forte, nos produits ont vu leur valeur augmenter et le design en était l’une des principales raisons. J’aime nos équipes et j’adore travailler au siège de l’entreprise, au cœur de l’action.

Vous avez été responsable en chef du design extérieur sur plusieurs de nos concept cars ainsi que sur les modèles S60 et V60. Quels sont les principaux défis et opportunités aujourd’hui quand on conçoit un design comme celui du nouveau Volvo EX90 tout électrique ?

Quand la conception d’un véhicule tournait entièrement autour d’un moteur thermique, son architecture s’en ressentait. C’était quelque chose de très familier ; nous avions passé des décennies à en perfectionner les détails. Aujourd’hui, avec l’électrification, nous sommes libres de jouer avec les proportions et avec l’architecture comme jamais auparavant.

L’un de nos premiers défis a été de repenser l’avant de la voiture. Notre marque s’est longtemps appuyée sur la calandre dans ses designs, ce qui convenait parfaitement pour des véhicules centrés sur leur moteur. Avec une voiture tout électrique, positionner une grille de ventilation traditionnelle en façade n’est plus nécessaire. Nous avons donc fait le choix délibéré de modifier l’avant de la voiture pour en témoigner.

Cette transformation lui offre une expression faciale assez remarquable qui tient presque du mammifère : loin du robot froid, elle a au contraire quelque chose d’humain, de chaleureux et de fier. Ses yeux, les fameux phares inspirés du « marteau de Thor », trônent tout en haut tandis que sa bouche, qui apporte tout l’air encore nécessaire, se trouve tout en bas. Entre eux s’étend une belle surface protectrice idéale pour afficher en évidence le logo Volvo, symbole du fer.

Comment vous et vos collègues abordez-vous le design d’un nouveau modèle ?

Pour commencer, nous nous interrogeons sur les motivations et les destinataires du concept. Nous cherchons à comprendre l’intention et la finalité du véhicule ou du produit que nous créons. Ensuite, nous nous mettons à dessiner et finissons par formuler les réponses au brief de départ. Notre processus créatif s’articule autour de révisions itératives du design, une suite de tentatives et d’erreurs qui nous conduiront aux bonnes conclusions. Nombreux sont les concepts qui échouent au début, mais cela fait partie du processus naturel qui mène à la solution idéale.

Le design n’est ni un art ni une science, c’est un savant mélange des deux. En matière de design extérieur, le processus créatif est avant tout une affaire d’opinions et de goûts. C’est ce qui fait qu’il est parfois difficile de juger de la stratégie à adopter. Mais c’est pour cela que nous sommes une équipe d’experts. Nous devons nous appuyer sur notre connaissance du passé, mais aussi prédire le monde de demain et envisager comment satisfaire aux mieux les futurs besoins et goûts du public en observant les tendances de la société actuelle.

Le Volvo EX90 est équipé de série de la technologie LiDAR. Comment avez-vous appréhendé cette nouvelle donnée sur le plan du design ?

Lorsque nous avons pris connaissance de l’intégration du LiDAR, notre tout premier instinct a été de chercher à le cacher tout en bas à l’avant. Mais comme l’explique si bien notre équipe de développement : « Aucun être du règne animal ne marche avec des yeux au niveau des genoux : leurs yeux sont perchés sur leur tête pour voir aussi loin devant que possible ». La même logique vaut pour le LiDAR. Son intérêt étant d’accroître la vision, il fallait de toute évidence le placer bien en hauteur sur le toit. Du point de vue du design, cela a été un défi pour nous, mais la position centrale du LiDAR est vraiment un symbole de la sécurité automobile du 21e siècle, comme l’était la ceinture de sécurité à trois points au siècle précédent.

Notre nouvelle génération de voitures tout électriques révolutionne notre approche du design scandinave. Qu’évoque le design scandinave pour l’Américain pur souche que vous êtes ?

Pour moi, cela représente quelque chose de bien pensé, épuré, franc et élégant. En matière de design scandinave, nous avons pour principe que « la fonction détermine la forme » : en clair, le design poursuit un but précis.

La lumière scandinave nous inspire tout particulièrement : son abondance en été et sa rareté en hiver. C’est la raison d’être même de tout ce verre et du toit panoramique qui laissent entrer autant de lumière que possible dans l’habitacle. La Scandinavie par ailleurs, où il fait souvent froid pendant l’hiver, évoque l’image distincte d’un environnement extérieur tout en contraste avec le doux halo des bougies traditionnelles qui éclairent l’intérieur des maisons. Pour retranscrire cet autre aspect dans nos produits, nous avons énormément joué avec l’éclairage du Volvo EX90 et de nos futurs véhicules.

Il existe, pour finir, une spécificité culturelle scandinave. Ici, on affiche une assurance calme et discrète à l’égard de la société et dans la manière d’appréhender les choses. Un Suédois parlerait sans doute de « lagom ». Cela peut passer pour de la froideur de prime abord, mais une fois que vous connaissez les gens, vous vous rendez compte qu'ils sont vraiment chaleureux. C’est cette même assurance que nous souhaitons transmettre à travers le design de nos voitures.

De quel élément du design du nouveau Volvo EX90 êtes-vous le plus fier ?

Outre son charisme général, ce que je préfère le plus dans cette voiture, ce sont ces nouveaux phares inspirés du marteau de Thor. Nous nous sommes posé la question suivante : comment améliorer cette signature unique pour en créer une plus lisible qui ressemble à un marteau de jour comme de nuit ? Et l’équipe a fini par trouver une solution ingénieuse. Désormais, le marteau est plus épais et donne l’impression d’un démarrage digital plutôt que d’une ligne droite comme avant. Le jour, il est allumé et fermé, mais la nuit, il s’ouvre pour éclairer la route grâce à ses faisceaux lumineux haut et bas. Cela rappelle aussi le mouvement des yeux et confère de façon plus littérale au véhicule cette expression humaniste que nous recherchons toujours. C’est un remarquable exemple de design scandinave pour lequel nous avons résolu un défi d’exécution visuelle à l’aide d’une nouvelle technologie.

Comme définiriez-vous « un bon design » ?

Parfois, dans leurs dessins, les designers ont tendance à trop en faire. Un design devrait se concentrer sur ses éléments essentiels. Je crois que le croquis d’une voiture ne devrait pas contenir plus de trois lignes. C’est simple, épuré, facile à appréhender et beaucoup plus qualitatif en définitive. C’est cela, à mon avis, un bon design. Les meilleurs designs sont ceux qui sont si simples et épurés qu’un enfant pourrait les reproduire en ne les ayant vus qu’une seule fois.

Il en va de même pour l’intérieur. Nos voitures sont extrêmement intelligentes et peuvent faire beaucoup pour vous. On pourrait installer tout un tas d’écrans un peu partout pour que ce soit parfaitement clair, mais est-ce vraiment ce que souhaite l’automobiliste ? Absolument pas. Nous visons toujours la sobriété dans nos designs et tentons de nous en tenir aux éléments essentiels dont le conducteur a vraiment besoin. Cette philosophie crée un environnement scandinave calme, chaleureux et relaxant.

Pour conclure, pourriez-vous nous dire à quoi ressemblera la voiture de demain selon vous ?

Ce qu’il y a de fascinant avec l’avenir, c’est qu’on en ignore tout. J’attends encore de voir débarquer une voiture volante comme dans « Retour vers le futur II », mais je ne suis pas sûr de le voir de mon vivant. À court terme, l’avènement de la conduite entièrement autonome est plus probable que celui des voitures volantes et c’est déjà une révolution passionnante en soi. Cela changera la manière dont nous pensons la voiture et le sens du concept de « mobilité » en général.

Dans quelques années, Volvo Cars ne proposera plus que des véhicules tout électriques, ce qui est extrêmement réjouissant. Cela crée de nouvelles dynamiques de conduite et des caractéristiques assez difficiles à obtenir à l’heure actuelle. La technologie évolue à un tel rythme qu’il sera progressivement plus facile d’intégrer tout cela, à mon sens. C’est une vraie aventure pour moi que de chercher encore et toujours à intégrer tous ces nouveaux éléments de manière harmonieuse en veillant avant tout à l’expérience du client.