Études dans la tempête

Des centaines de tests effectués chaque semaine dans la soufflerie unique de Volvo déterminent l’avenir du design automobile. Entrez pour affronter la rafale.

Le ventilateur géant dans la soufflerie Volvo Cars

Le ventilateur géant dans la soufflerie Volvo Cars

Nous sommes à l’intérieur de l’un des laboratoires d’essais top secrets de Volvo Cars. Un bâtiment métallique gris acier, situé dans l’aile Est du vaste site industriel de l’île de Hisingen, abrite la légendaire soufflerie de l’entreprise, où une vingtaine de personnes travaillent dans une confidentialité absolue. Pendant deux à trois ans, elles testent et analysent les nouveaux modèles de voitures, des premiers prototypes en argile jusqu’au produit fini.

Lors de son inauguration en 1986, la soufflerie représentait déjà une avancée technologique majeure. Depuis, elle a été modernisée à plusieurs reprisespour rester à la pointe de la technologie. Aujourd’hui, c’est l’une des souffleries les plus avancées au monde permettant de simuler l’effet des vents sur un véhicule à des vitesses allant jusqu’à 250 km/h et des températures atteignant 60 °C. La grande balance intégrée dans le sol permet de mesurer les forces dans les axes X-Y-Z et d’étudier les changements de résistance à l’air.

« Cette soufflerie est unique, car elle combine des tests aérodynamiques et climatiques. Nous avons également été des pionniers dans le développement d’un système qui offre une image plus précise de la résistance à l’air. Environ 25 % de cette résistance se produit autour des roues, donc pouvoir la mesurer est crucial », explique Daniel Strömberg, responsable de la soufflerie chez Volvo.

« Pluie, neige, poussière, saleté : nous testons tout ce qui peut affecter les performances routières des véhicules. »

Les essais aérodynamiques sont devenus de plus en plus importants dans l’industrie automobile. Aujourd’hui, ils sont essentiels pour réduire les émissions, la consommation de carburants fossiles et concevoir des véhicules stables et sûrs sur la route. Les véhicules à essence et diesel étant de plus en plus remplacés par des véhicules électriques, même de légères modifications de design réduisant la résistance à l’air de quelques pourcentages peuvent considérablement augmenter leur autonomie
« Les tests en soufflerie sont un outil incroyablement puissant pour optimiser les véhicules. Je me souviens d’un constructeur qui avait omis d’ajouter un aileron au coffre, ce qui rendait la voiture instable à haute vitesse », raconte Daniel, en appuyant sur le bouton d’une maquette de la soufflerie qui montre comment l’air se déplace à travers les aubes directrices jusqu’à une figurine LEGO tenant un drapeau flottant dans le vent.

Destiné à devenir ingénieur aéronautique, Daniel a vu ses plans bouleversés après les attentats du 11 septembre, qui ont marqué un tournant dans l’aviation. Heureusement, il travaille chez Volvo depuis 20 ans, dont 15 dans cette soufflerie. qu’il décrit comme « le meilleur emploi au monde », alternant entre développement méthodologique et démonstrations pour des élèves comme des investisseurs.

La soufflerie fonctionne quasiment en continu, de 6 h à minuit du lundi au jeudi, et jusqu’à 18 h les vendredis et samedis, totalisant 96 heures de tests hebdomadaires. Lorsque nous ne testons pas nos propres véhicules, elle est mise à disposition d’autres constructeurs automobiles, de skieurs de vitesse, de cyclistes professionnels, ou encore pour tester des feux de signalisation. « Le groupe de rock Europe a même tourné un clip ici ! », ajoute Daniel.

À l’intérieur, l’atmosphère rappelle un décor de film de science-fiction. Le tunnel de 165 mètres de long forme une boucle, et en son cœur se trouve un ventilateur rouge et noir de 8,15 mètres de haut avec des pales en fibre de carbone. Le flux d’air turbulent généré est lissé grâce à une série de chambres et de grilles avant d’atteindre une section appelée « contraction »

« À l’intérieur de la contraction, la vitesse du vent est multipliée par six. Si nous faisons fonctionner le ventilateur à sa vitesse maximale, nous atteignons 250 km/h dans la section d’essai, ce qui équivaut à 70 m/s, l’équivalent d’un ouragan extrême. Le véhicule est fixé à des bandes d’acier en mouvement et à une balance ultra-sensible qui mesure les forces de l’air. La précision est si grande qu’on pourrait y peser les ingrédients d’un gâteau. », explique Daniel.

En plus des essais aérodynamiques, l’installation effectue également des essais climatiques. À l’aide d’un échangeur de chaleur colossal et d’un simulateur solaire, ils peuvent reproduire la conduite dans les déserts les plus chauds, mais aussi la façon dont le véhicule est affecté par divers contaminants et polluants.

« La pluie, la neige, la poussière, la saleté : nous testons tout ce qui a un impact sur les performances routières des véhicules », explique Daryosh Farin, ingénieur spécialisé dans le contrôle des contaminants. « Nous nous assurons que la saleté n’atteint pas la poignée de porte et que la vue à travers la vitre de la porte n’est pas obscurcie lorsque vous conduisez sous la pluie. Si le client ne remarque rien du tout, cela signifie que nous avons bien fait notre travail. »

Volvo EX90 en test dans une soufflerie Volvo Cars

La soufflerie de Volvo fonctionne pratiquement 24 heures sur 24, toute l’année.

Un autre facteur clé est le système de sol mobile. Quatre courroies plates en acier font tourner toutes les roues tandis qu’un rouleau au milieu simule le sol et, en se déplaçant, aspire l’air sous le véhicule. Mesurer le vent avec des roues rotatives, par opposition à des roues statiques, fait une grande différence.

« Nous obtenons une image beaucoup plus réaliste car nous pouvons mesurer à la fois la résistance au roulement et la force nécessaire pour actionner les roues et tout ce qui tourne avec elles. Nous pouvons également tester le freinage de la voiture pour simuler des pentes raides ou un remorquage lourd. De cette façon, nous pouvons vraiment mettre les systèmes de refroidissement à l’épreuve », explique Max Sundén, spécialiste de l’efficacité énergétique chez Volvo Cars.

Tous les résultats sont soigneusement analysés et comparés à des tests effectués à la fois sur des modèles informatiques et dans le monde réel. Ils reconstituent ensuite un gigantesque puzzle de données. Une seule journée en soufflerie peut impliquer 100 configurations différentes, et les tests sur un nouveau modèle sont menés pendant plusieurs années.

« En moyenne, nous réduisons la traînée aérodynamique de plus de 10 %. Pour les véhicules électriques, c’est crucial, car à 120 km/h, les deux tiers de la charge de la batterie sont consommés par la traînée. Dans ce domaine, nous travaillons en étroite collaboration avec l’équipe de conception, il peut s'agir de petits détails comme les contours des feux arrière ou des rétroviseurs qui nécessitent des ajustements », explique Kaveh Amiri, ingénieur en aérodynamique chez Volvo.

Nous nous apprêtons à vivre l’expérience du tunnel aérodynamique en pratique. Daniel fait signe à la salle de contrôle, et une alarme retentit. Un grondement sourd se fait entendre, suivi par une légère brise qui s'intensifie rapidement en une pression constante entre les murs. Le vent souffle à seulement 30 km/h, environ 9 m/s mais le flux concentré donne l’impression qu’il est bien plus puissant.

Nos cheveux s’envolent, et les papiers tourbillonnent. « À 70 km/h, il faudra vous attacher avec des harnais de sécurité », prévient Daniel, sa barbe flottant au vent. « Si nous poussons le ventilateur à sa vitesse maximale, il consomme environ 10 MW par heure, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’une petite maison individuelle en Suède. Mais ces tests permettent également d’économiser énormément d’énergie. Personnellement, je ne me lasse pas du tunnel. Suivre et perfectionner un nouveau véhicule depuis son tout premier croquis est un véritable frisson. »

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